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Congé parental : le report des congés est enfin possible !

Publié le 11/10/2023

Par un arrêt du 13 septembre 2023, rendu avec la série d’arrêt mettant le droit français en conformité avec le droit européen en ce qui concerne les congés payés, la Cour de cassation s’est penchée sur le cas du congé parental : elle reconnait désormais le droit pour un salarié en congé parental de reporter les congés payés acquis avant un congé parental, ceci en application du droit européen. (Cass.soc.13.09.23, n°22-14043)

Les faits

Après avoir successivement enchaîné un arrêt maladie, un congé pathologique et prénatal, un congé maternité et un congé parental, la salariée conclut avec son employeur la rupture conventionnelle de son contrat de travail. Elle demande alors le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés pour les congés acquis et non pris avant son congé parental. Déboutée par la cour d’appel, qui applique les dispositions légales et la jurisprudence en vigueur à l’époque, la salariée se pourvoit en cassation. Elle se fonde pour cela sur le droit de l’Union européenne.

La question étant de savoir si la salariée conserve à son retour de congé parental, le bénéfice des CP qu’elle a acquis avant son départ ?

Que prévoit notre droit ?

Contrairement aux salariées de retour de congé maternité (art. L. 3141-2 du Code du travail), les salariés qui partent en congé parental sans avoir pris le soin de solder les congés payés qu’il avait acquis avant, en perdent le bénéfice s’ils reviennent après l’expiration de la période de prise des congés. Les salariés ne peuvent, sans l’accord de leur employeur, reporter ces congés au-delà de la période de référence. C’est ce qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation. Celle-ci part du principe que la décision du salarié de prendre un congé parental s’impose à l’employeur et que, ce faisant, le salarié rend lui-même impossible l’exercice de son droit à congés et ne peut donc pas prétendre à une indemnité pour les congés non pris(1).

A noter que jusqu’en mars 2023, seul l’article L. 1225-55 du Code du travail précisait le sort du salarié à l’issue du congé parental (qui devait retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente), mais aucune disposition ne visait les autres avantages acquis par le salarié.

Depuis, la loi « DDADUE » du 09.03.23(2) a en partie transposé la directive européenne 2019/1158 en intégrant dans le Code du travail, une disposition selon laquelle le salarié conserve le bénéfice « de tous les avantages qu’il a acquis avant » le début du congé parental (art. L.1225-54 du Code du travail). Si cette formule peut laisser supposer que les congés payés font partie de ces avantages, la jurisprudence de la Cour de cassation n’a cependant pas évolué depuis.

Cette jurisprudence est pourtant contraire au droit de l’Union européenne.

 

Que prévoit le droit de l’Union européenne ?

Aux termes de l’accord-cadre révisé sur le congé parental figurant à l’annexe de la directive 2010/18/UE du Conseil du 08.03.10(3), les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus en l’état jusqu’à la fin du congé parental et peuvent donc s’appliquer à l’issue de celui-ci.

Puis la CJUE a jugé que l’accord-cadre du 14.12.96 sur le congé parental, figurant à l’annexe de la directive 96/34/CE du 3.06.96(4) s’opposait à une disposition nationale par laquelle les travailleurs faisant usage de leur droit au congé parental, perdent, à l’issue de ce congé, des droits à congés annuels acquis durant l’année précédant la naissance de leur enfant(5).

Que dit la Cour de cassation ? Une mise en conformité s’impose !

Par cet arrêt, la Cour de cassation vient mettre notre droit en conformité avec le droit de l’Union européenne. Elle rappelle tout d’abord qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congés payés et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. Puis elle Cour de cassation interprète les articles L. 3141-1 du Code du travail (qui pose le principe d’un droit à congé payé annuel) et L.1225-55 du Code du travail à la lumière de la directive de 2010. Elle juge désormais que lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses CP annuels au cours de l’année de référence parce qu’il a exercé son droit au congé parental, les CP acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail.

Quelle est la portée de cette décision ?

Si cette décision a un champ d’application moins étendu que les précédentes, elle n’en reste pas moins importante. D’autant que, tout comme les autres, elle a un effet rétroactif. Ce qui signifie que les salariés seraient en droit de réclamer les congés y compris pour des périodes antérieures au 11 mars 2023 (date d’entrée en vigueur de la loi DDAUE du 9 mars 2023).

 

 

 

(1)Clause 5, point 2 de l’accord cadre révisé sur le congé parental figurant à l’annexe de la directive 2010/18/UE.

(2) Cass.soc.05.05.99, n°97-41241 ; Cass.soc.28.01.04, n°01-46314. A moins que l’employeur n’ia mis le salarié dans l’impossibilité de prendre le solde de ses congés payés avant son départ en congé parental (Cass.soc.02.6.4, n°02-42405).

(3) Loi d’adaptation au droit de l’Union européenne n°2023-171 du 09.03.23.

(4) Clause 2, point 6 de l’accord cadre sur le congé parental du 14.12.95, figurant à l’annexe de la directive 96/34/CE du 3.06.96 concernant l’accord-cadre sur le congé parental, telle que modifiée par al directive 97/75/CE du 15.12.97-repris dans la directive 2010/18/UE.

(5) CJUE, 16.07.09, aff. C-537/07, Gomez-Limon Sanchez-Camacho ; CJUE, 22.10.09, aff. C-116/08, Meerts ; CJUE, 22.04.10, n°aff.486/08.