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Forfait jour : quelle prescription pour l’action en contestation ?

Publié le 17/04/2019

Un salarié peut contester la validité de sa convention de forfait en jours tant que la demande en rappel de salaire afférente au titre des heures supplémentaires n’est pas prescrite. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation qui s’est récemment et pour la première fois prononcée sur le sujet. Cass.soc., 27.03.2019, n° 17-23.314.

  • Faits et procédure

Cette affaire concerne un salarié, cadre, dont le contrat de travail comportait une convention de forfait annuel en jours. A la suite d’un différend avec son employeur, il saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il est licencié quelques jours plus tard, en mai 2014.

Lorsqu’au cours de la procédure contentieuse, le salarié est licencié, le conseil de prud’hommes commence par rechercher si la demande de résiliation judiciaire est justifiée. Si tel est le cas, les motifs du licenciement postérieur sont sans effet et le contrat est rompu à la date d’envoi de la lettre de licenciement. A l’inverse, si la demande est infondée, les juges se pencheront sur les motifs du licenciement.

A l’occasion de sa demande de résiliation judiciaire, le salarié demande aux juges de prononcer la nullité de sa convention de forfait en jours. En effet, il affirme que ni l’accord collectif mettant en œuvre le forfait jour, ni son contrat de travail ne comportent de disposition visant à garantir le respect des durées maximales de travail ainsi que des temps de repos. Aussi, il réclame un rappel de salaires au titre de ses heures supplémentaires qu’il a effectuées.

La mise en œuvre d’un forfait annuel en jours suppose la conclusion d’un accord collectif, comprenant notamment les dispositions destinées à protéger la santé et la sécurité du salarié, et la signature d’une convention individuelle de forfait.
Avant la loi Travail du 8 août 2016, l’accord collectif sur le forfait jours devait impérativement comporter des dispositions qui assurent la protection de la sécurité et de la santé des salariés. A défaut, le forfait jour était invalidé(1).
Aujourd’hui, l’employeur et le salarié peuvent conclure une convention de forfait sur la base d'un accord collectif insuffisamment protecteur. L'employeur peut en effet combler les insuffisances de l'accord en respectant les dispositions supplétives sur le contrôle et le suivi de la charge de travail, et le respect des temps de repos(2).

L’employeur conteste notamment la recevabilité des demandes du salarié. Selon lui, le délai de prescription de 2 ans de l’action en nullité de la convention de forfait(3), dont le point de départ correspond d'après lui à la date de signature de la convention de forfait, était dépassé.

La question posée aux juge est donc la suivante : quel est le point de départ du délai de prescription de la demande du salarié en nullité de sa convention de forfait ?

  • Une action en nullité prescrite ?

La cour d’appel donne raison au salarié et fait droit à ses demandes en condamnant notamment l’employeur au paiement d’heures supplémentaires. Selon les juges du fond, le délai de prescription de l’action en nullité de la convention de forfait en jours ne courait pas tant que cette convention était en vigueur. Ainsi, le salarié était recevable à contester la validité de la convention.

C’est ainsi que l’employeur forme un pourvoi en Cassation.

  • Une prescription rattachée à celle applicable en matière de paiement des heures supplémentaires

A l’appui de son pourvoi, l’employeur prétend notamment que le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité d’une convention de forfait en jours est la signature de ladite convention.

La Cour de cassation rejette cette argumentation. Elle affirme que « le salarié, dont la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n’est pas prescrite, est recevable à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail », s’écartant ainsi également du raisonnement adopté par la cour d’appel.

Dans les faits, la demande de rappel d’heures supplémentaires se rapportait à une période non prescrite. Par conséquent, les juges du fond ont décidé à bon droit que le salarié était recevable à contester la validité de sa convention de forfait en jours.

En d’autres termes, pour la Haute juridiction, le salarié peut demander au juge de prononcer la nullité de sa convention de forfait tant que la demande de paiement d’heures supplémentaires qui y est rattachée n’est pas prescrite.  

A noter : le délai de prescription en matière de paiement des salaires est de 3 ans(4). Ainsi, dès lors que le salarié en forfait jours a effectué des heures au-delà de la durée légale de travail au cours des 3 années précédentes(5), il sera recevable à contester la validité de son forfait jours.

 



(1) Cass.soc., 29.06.11, n°09-71.107 ; Cass.soc., 17.12.14, n°13-22.890

(2) Art. L.3121-65 C.trav.

(3) Délai de prescription concernant l’exécution du contrat de travail – art. L.1471-1 C.trav.

(4) Art. L.3245-1 C.trav.

(5) Plus précisément, il s’agit de 3 années à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action en justice. En cas de rupture du contrat de travail, il s’agit des 3 années précédant cette rupture.