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Elections : les mandats des élus du CSE sont prorogés dès la saisine de l’administration

Publié le 31/01/2024

En vue des élections pour renouveler le CSE, lorsque la négociation du protocole d’accord préélectoral (PAP) échoue, l’administration est obligatoirement saisie par l’employeur pour fixer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux. Les mandats des élus sont alors automatiquement prorogés. Et ce, peu importe que par la suite la saisine soit rejetée. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation. Cass.soc.08.11.23, n°22-22.524.

Rappel des règles en la matière

Lorsque des élections sont prévues pour renouveler le CSE, un PAP est négocié pour fixer notamment la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux (1). Cet accord, qui pour être valable doit obtenir une double majorité – dans les conditions fixées à l’article L.2314-6 du Code du travail – n’est pas toujours évident à obtenir.

La validité du protocole d'accord préélectoral (PAP) conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise.

Lorsque la négociation du PAP échoue, l’employeur a l’obligation de saisir l’administration pour fixer la répartition du personnel et des sièges au sein des collèges électoraux (2).

La question qui peut alors se poser est celle de savoir quels sont les effets de cette saisine de l’administration sur les mandats en cours ? Et plus précisément, si ces mandats arrivaient à leur terme. 

En effet, en principe, les mandats des élus ne peuvent être prorogés que si toutes les organisations syndicales représentatives le décident unanimement (3).

Toutefois, en cas de saisine de l’administration, le Code du travail (4) prévoit expressément, en son article L. 2314-13 4°, le prolongement des mandats des élus. En effet, en cas d’échec de la négociation du PAP et de la saisine de l’administration qui s’ensuit, les délais sont de facto allongés car le processus électoral est suspendu.

Mais qu’en est-il lorsqu’après avoir été saisie, l’administration refuse finalement de fixer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux ? 

C’est le cas dans cette affaire…

La jurisprudence admet que l’administration, et plus précisément la DREETS, puisse - après sa saisine - refuser de trancher si elle estime que la négociation ne s’est pas déroulée de manière loyale (5).

La négociation du PAP échoue, l’administration est saisie, mais refuse de trancher…

Dans cette affaire, en vue de renouveler le CSE, une société engage pour un de ses établissements une négociation du protocole préélectoral. Sur les 7 organisations qui invitées à la négociation, seules 2 signent le PAP… Ce qui n’est clairement pas suffisant pour valider l’accord. La société saisit donc l’administration (la DREETS). Cette dernière rejette principalement la demande au motif de l’absence de tentative loyale de négociation du PAP de la part de l’employeur.

En vue d’attaquer l’ordonnance, la société décide de saisir le TJ (compétent à condition qu’il n’y ait aucun recours administratif ou contentieux (6)).

À cette occasion, le TJ va reconnaître que les mandats des élus sont prorogés jusqu’aux prochaines élections.

La société forme alors un pourvoi en cassation : selon elle, dès lors que l’administration avait refusé de donner suite à sa demande, l’article L. 2314-13 ne pouvait pas s’appliquer. Autrement dit, il n’était pas possible d ’acter de la prolongation des mandats des élus du CSE. Pour cela, il aurait fallu que toutes les organisations syndicales donnent leur accord.  

La question posée à la Cour de cassation est la suivante :

Le fait pour l’administration saisie de refuser de fixer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux empêche-t-il la prolongation automatique des mandats ?  

Prorogation automatique des mandats dès qu’il y a saisine de l’administration

La Cour de cassation cite in extenso l’article L. 2314-13 du Code du travail et l’applique à la lettre.  

Peu importe que l’administration refuse ou accepte de fixer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux : dès lors qu’il y a saisine de l’administration suite à l’échec de la négociation du PAP, les mandats sont prorogés.

Cette prorogation est actée à compter de la saisine de l’administration et ce jusqu’au renouvellement du CSE.

La représentation des salariés avant tout

Dès qu’il y a saisine de l’administration, le processus électoral est de facto prolongé.  En cas de refus de l’administration, le processus électoral devrait même être encore plus long.

Il est donc nécessaire que les salariés puissent continuer à bénéficier d’une représentation au sein de l’entreprise en attendant le renouvellement du CSE. D’autant que le refus de l’administration se justifie ici par un manquement de loyauté dans la négociation du PAP.

Cette décision est donc la bienvenue. L’employeur va devoir reprendre la négociation du PAP rapidement et, cette fois, de manière loyale.

La durée des mandats des représentants du personnel, telle qu’elle est fixée dans la loi, est d’ordre public absolu.

Certes aucune durée maximum n’est fixée en cas de prorogation des mandats des élus, mais il est préférable que cela ne dure pas longtemps pour coller au plus près des réalités de l’entreprise (ou comme ici de l’établissement).

Le Code du travail prévoit également le prolongement des mandats des élus en cas de transfert d’entreprise (7).

 

(1) Art. L. 2314-13 C. trav.

(2) Cass.soc.09.05.18, n°17-26.522.

(3) Cass.soc.26.06.13, n°12-60.246.

(4) Art. L. 2314-13 4° C.trav.

(5) Cass.soc.12.07.22, n°21-11.420.

(6) Art. L.2314-13 dernier alinéa C.trav.

(7) Art. L. 2314-35 C.trav.

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